28/03/2020
Les chemins de la peur.
Les chemins de la peur. Notre corps est notre unique outil de perception de notre environnement physique et psychique. Il nous arrive tout le temps de réagir à différents stimuli qui influencent le quotidien de notre vie. Si certaines sensations sont agréables et nous détendent d’autre en revanche nous inquiètent et nous font peur. La peur est un peu comme l’endos d’une même pièce où d’un côté nous retrouvons le bien-être et son envers serait la peur.
La peur dévoile sous une forme ou une autre l’absence ou la perte de contrôle sur une situation. Avoir peur c’est dans son expression simpliste « ne pas avoir le contrôle » sur une situation, une relation, un comportement, un environnement.
Si notre corps nous avertit des dangers de fréquenter ces lieux anxiogènes, il ne nous l’interdit pas. Il nous informe plutôt que celui qui est au pilote de notre corps, celui qui perçoit la menace n’est pas outillé pour s’engager dans ce chemin.
Comme dans une thérapie qui vise à soigner une phobie, une des stratégies de traitement qui fonctionne réellement est l’apprivoisement de la peur par un dosage équilibré. Savoir créer des rencontres équilibrées qui permettent d’apprivoiser la peur et de découvrir et de démystifier cette peur par petites doses de « rencontres ». Le résultat de cet apprivoisement réussi est à coup sûr, un gain de liberté pour le sujet. Dans notre vie, l’objectif est le même que l’on soit face à une araignée où face à la perte d’un emploi, d’une amoureuse, ou du lien parent-enfant ? C’est normal d’avoir peur, c’est normal de ne pas souhaiter fréquenter ces chemins sombres de nos vies. Accepter de maintenir ces zones de peurs dans notre vie c’est accepter le statu quo. Mais dû moment que je choisis de me mettre en action pour transformer mon quotidien pour l’ajuster à mon évolution normale, à mes valeurs, à mes désirs, à mes rêves, j’accepte consciemment ou non de fréquenter mes peurs. Mes peurs sont mes chemins de liberté. Mes peurs font peur à celui dans moi qui commande mon corps dans ces moments-là.
Qui n’a jamais entendu parler de ces histoires héroïques où une mère a sauvé son enfant des flammes ou bien qu’elle a réussi à soulever une voiture pour libérer son fils écrasé sous les roues… Ces histoires sont extraordinaires, elles ont toutes en commun le dépassement du sujet « normal » (ce que j’aime appeler le pilote quotidien de ma vie) par une instance en moi plus grande qui affronte l’imprévu que génère la peur.
Quand j’ai peur… c’est qui en moi qui a peur ? Quand je contrôle… c’est qui en moi qui contrôle ? Quand j’ai peur… qu’est-ce que je souhaite contrôler ? Qu’elle est l’instance en moi qui n’est pas affectée par la peur ?
Comme le fait remarquer avec pertinence Jean Yves Leloup et de nombreux autres auteurs, le fameux : « tu es cela » est à entendre a deux niveaux : « Tu es cela » pure Intelligence, pure Existence, pure Béatitude (Satchitananda), mais tu es aussi cela, le fils, la fille de tes parents, tu es ce paquet de mémoires et de déterminations dans lequel peut jouer le Toujours neuf et l’Inconditionné. Tu es poussière et tu retourneras à la poussière. Tu es lumière et tu retourneras à la lumière. (Leloup J.-Y. , Manque et plénitude : Élément pour une mémoire de l’essentiel, 1994, p. 93)
Les chemins de la peur sont alors des chemins qui nous invitent à apprivoiser non seulement l’objet de notre peur, mais aussi et essentiellement la part non conditionnée de nous. La part qui est intelligence pure, existence pure, béatitude pure, comme le souligne Leloup, peut si nous lui offrons la possibilité de devenir le temps d’un instant le pilote premier de notre vie. La part qui « prend le contrôle » sur celle qui habituellement commande nos gestes, nos attitudes, nos réflexes, pour faire différemment. Dans l’analogie de notre corps, quand on dort, quand on rit ou qu’on pleure notre cœur continu de battre. Nous n’avons aucune préoccupation à avoir et pourtant, tout le sang circule en nous au rythme juste pour alimenter les fonctions de notre corps. Chercher à contrôler notre cœur, c’est possible avec beaucoup d’entrainement de conscience, mais aussitôt l’attention relâchée, il reprend son rythme.
Le phénomène est le même pour la gestion de la peur, quand la vigilance de la conscience (attitude mentalisée, intellectualisée, conceptualisée) se relâche, que le pilote quotidien laisse le volant à l’Autre de lui-même, un apaisement peut survenir. Le lâcher-prise c’est ça. Lâcher le contrôle, la prise de contrôle que nous avons sur une situation en sachant pertinemment que quelqu’un en nous (le Toujours neuf, ou l’Inconditionné) pourra alors prendre le relai pour poursuivre la route.
Trop souvent nous confondons le lâcher-prise, comme le laisser aller le contrôle à quelqu’un d’autre extérieur à soi. Laisser le contrôle à nos proches, à notre médecin, à notre environnement. Trop souvent, ces états sont vécus beaucoup plus comme un abandon de notre capacité d’agir alors qu’ils sont des ressources inexploitées de notre être qui ne demande qu’à se mettre en acte pour gagner en liberté.
Marc-Antoine Dion
07/10/2019
Ce n’est pas le climat qui transite, c’est de nous dont il est question!
Dans l’époque actuelle de très nombreux enjeux sollicitent notre attention. Nous sommes constamment interpellés par des défis de toutes sortes, qu’ils soient économiques, éducatifs, sociaux et plus récemment climatiques. Les interrelations existent pour chacun de ces défis et le point commun de tout ça, c’est nous. Nous, nous sommes le pivot invité à nous adapter pour relever chacun de ces défis.
Individuellement nous avons des préférences pour affronter les enjeux du moment, c’est souvent sans un effort de conscience véritable que nous choisissons la priorité de nos luttes quotidiennes. Occasionnellement toutefois, la priorité s’impose d’elle-même, alors que nous ne le souhaitons pas…
C’est le cas actuel avec les effets des changements climatiques et on parle surtout de transition climatique. C’est pas du tout banal, car les changements climatiques nous invitent non seulement à s’adapter, c’est-à-dire de modifier un tant soit peu notre comportement face à certaines activités que nous préconisons pour accommoder notre mode de vie (comme prendre la voiture pour aller travailler, voyager seul plutôt que de prendre les transports en commun, ce qui m’offre un temps de solitude que je ne retrouve plus ailleurs dans mon quotidien) S’adapter c’est choisir de mettre mon besoin individuel un peu de côté pour le bien-être collectif.
Suis-je capable de faire ce choix chaque jour? chaque semaine? Ai-je assez de capacité d’adaptation pour maintenir ces changements à long terme? De manière durable? Soutenons l’hypothèse que je suis capable de laisser ma voiture pour le métro et le bus, là ne s’arrête pas mon défi. On me demande de ne plus acheter d’eau embouteillée, de ne plus utiliser de sacs de plastique, de toujours boire mon café dans une tasse réutilisable, de faire des choix environnementaux responsables dans l’achat de ma nourriture, de mes vêtements, de mes cosmétiques. Suis-je encore capable de choisir de m’adapter pour un meilleur bien-être collectif plutôt que répondre individuellement à mon besoin? Ça commence à être gros…
Suis-je capable de m’adapter à tout ça?
Si moi, à force d’efforts j’y réussis, est-ce que mon employeur me supportera? Aurais-je plus de flexibilité pour mes retards au travail dus aux ralentissements dans les bouchons? Sentirais-je plus de cohérence dans les choix de mes élus pour soutenir le bien-être collectif? À ça, je crois vraiment que ma motivation du bien-être collectif sera fortement malmenée, car en toute occasion je serai victime de l’inaction de l’un ou de l’autre. Ma posture qui alimente le sentiment de sacrifice en moi pour le bien d’autrui me revêtira assurément d’une toge de juge, m’autorisant instantanément à qualifier des comportements des uns et des autres d’adéquats ou de nuisibles… Est-ce vraiment là, la solution pour affronter les changements climatiques? En voulant faire le bien, je crée de l’envie, de la colère, des affrontements stériles. Le bien et le mal encore, toujours…
Alors on parle assez justement de transition climatique. Mais l’erreur n’est pas dans la transition mais dans le sujet qui transite. Ce n’est pas le climat qui transite, c’est de nous qu’il est question.
Le climat ne se soucie pas qu’il n’y ait plus de glace dans l’Arctique, que certaines îles soient inondées ou encore que les déserts soient plus chauds que chauds… Ce sont des variations « normales » comme par le passé. Pensons aux grandes glaciations, à l’ère des dinosaures. La planète est dynamique et nos actes accélèrent ou non ces changements. Toutefois, les conséquences de ces changements perturbent ce que nous appelons les écosystèmes, favorisant des organismes vivants au détriment de d’autres.
En 1970 nous avions deux choix devant nous : choisir de modifier notablement nos comportements qui ont des impacts sur la variation du climat (émission de gaz à effet de serre, déforestation, agriculture intensive…) ou bien accepter de ne rien faire et d’assumer que le monde doive s’adapter tôt ou tard à des migrations de territoire afin d’habiter dans des endroits encore habitables.
En 2020, 50 ans plus tard, nous avons encore deux choix: ne rien faire et faire immigrer une grande partie de la population mondiale vers des endroits sécuritaires; ou choisir de modifier notablement nos comportements en limitant le réchauffement et faire immigrer une petite partie de la population vers des endroits plus sécuritaires sur Terre. Il semble que notre sédentarité soit définitivement compromise comme au temps des grandes glaciations. À une exception près, ces changements s’inscrivent maintenant en années et non plus en dizaines de siècles. Il est grand temps de réfléchir sur l’accueil de réfugiés et le partage des terres qui s’annonce inévitable.
C’est nous qui sommes invités à transiter. Transiter ce n’est plus s’adapter à une nouvelle réalité par des modifications comportementales mais c’est se transformer. Transformer notre vision de l’utilisation des ressources. Passer d’un monde qui nous est dû, que l’on exploite, à un monde qui nous accueille avec bonté, qui nous nourrit.
Transiter, c’est se transformer, c’est choisir de faire le deuil de comportements que nous avons, des fois depuis fort longtemps, pour les remplacer par de nouveaux comportements. Mais on fait ça pourquoi? Parce que nos valeurs personnelles qui ancraient nos anciens comportements sont maintenant obsolètes. Transiter c’est faire la bascule à partir d’une posture qui cherche le bien-être à l’extérieur de soi, à une nouvelle posture qui retrouve un bien-être intériorisé en adéquation avec nos valeurs personnelles.
Pour transiter, il faut impérativement faire le deuil de ce que l’on tient, que l’on retient pour faire plaisir à l’autre, et adopter un comportement bienveillant avec soi pour laisser émerger une attitude qui prend soin de nos véritables besoins de santé, de bonheur et de joie.
Marc-Antoine Dion